Premières explorations à La Commanderie la suite : aux archives de Poitiers
Par un beau matin de février, et oui, que le temps passe vite, vos hôtes de La Commanderie ont décidé de s’approprier très sérieusement l’Histoire de La Commanderie d’Artins et de faire fi des rumeurs et autres invraisemblances qui l’entourent. Soit, me voilà donc réquisitionnée pour servir de guide, osons le terme ! Et de fil en aiguille, me voilà au travail pour vous relater chers amis, lecteurs, visiteurs, passés, présents et à venir les aventures trépidantes de nos enquêtrices Elisabeth et Nadège dans les méandres obscures des Archives.
Deux questions se posent alors : pourquoi sur le fond entreprendre cette quête à Poitiers et comment sur la forme la mener à terme….à long terme ! Et bien, suivez moi !
La commanderie d’Artins s’intégrait dans un organigramme politique et administratif précis. Le territoire religieux était partagé en Langues et chacune était divisée en Grands Prieurés, eux même fractionnés en commanderies : celle d’Artins relevait du Grand Prieuré d'Aquitaine dont le siège était à Poitiers. Après la Révolution Française et la création des départements, les documents attachés à ce nouvel espace administratif laïc ont été déposés dans un seul service : les archives départementales. Je vous rassure, en passant, pas d’inquiétude pour les années à venir : la confiscation des biens ecclésiastiques et la constitution de biens nationaux placent aussi le domaine d’Artins dans les archives de Blois. De même, quelques éléments se trouvent insérés dans les Archives Nationales ! Il fallait bien commencer par lever un coin du voile. Les investigations à distance effectuées par Elisabeth nous mettaient sur la piste prometteuse de Poitiers.
Pourquoi une telle quête, alors que plusieurs articles et ouvrages semblent déjà retracer l’histoire du lieu. Vos hôtes sont, sommes toutes, des questionneuses ! Alors que nombre de mentions indiquent que la Commanderie était templière suscitant un panel de rêveries aussi fantasques que tenaces, les recherches plus récentes la rattachent à l’ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Il était nécessaire pour être crédible dans la présentation à venir du site de La Commanderie, que l’histoire soit connue, comprise pour être retransmise. Idée séduisante, n’est-ce pas ? D’après le conservateur de Poitiers plus d’une dizaine de liasses (grands dossiers) concernent directement Artins. Quel bonheur ! Tous ces trésors n’attendaient que nous… Toutes les questions allaient, enfin, trouver réponses…. L’Histoire allait se dérouler au fil de pages couvertes de belles calligraphies !
Enfin presque ! Après avoir « briffé » l’équipe et s’être pourvue du matériel adéquat : ordinateur portable, appareil photo sans flash, feuilles blanches, crayons à papier et pièce d’identité : nous partions de bonne heure, de bonne humeur mais sous des trombes d’eau !
Comment s’est déroulée cette journée si prometteuse ? Après une inscription en règle, votre scribe du jour s’est plongé dans les registres de la série H qui nous intéressait, a relevé les cotes avec une subtilité que vous êtes loin d’imaginer… En effet, pour ne pas rebuter nos chercheuses, il était hors de question de commencer par les liasses anciennes (XIIIe –XIVe siècle) mais partir du plus récent pour remonter le cours de l’histoire. Forte de cette idée de génie, j’indiquais donc les 3 dernières cotes du registre. Seulement voilà ! Le guide est un lutin farceur souvent peu concentré : Elisabeth s’est retrouvée avec une liasse de 45 cm de haut de documents non classés, de toutes époques, sans logique thématique ! Nadège a été confrontée à un grand terrier couvert de lignes serrées et peu lisibles. Qui dit mieux ! La mine contrite, j’ai pris le paquet non trié, en tentant de ramener le XVIIIes sous les yeux d’Elisabeth avec quelques sceaux de cire rouge. Quand le sourcil de Nadège s’est levé : j’ai compris que je n’aurais pas une vie facile !!! Forcément, si j’avais commencé par expliquer le contenu possible des diverses pièces : tout aurait été plus simple mais certes beaucoup moins drôle. N’ayez crainte chers lecteurs, elles ont résisté magnifiquement à leur immersion dans la paléographie.
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Effectivement, rien n’est plus difficile que l’appréhension de documents anciens qui répondent à des protocoles et des attentes qui ne sont plus les nôtres. Vocabulaire, syntaxe et orthographe varient au fil des plumes diverses, freinant la compréhension de l’ensemble. Il faut alors repérer les lettres d’un mot en le comparant aux autres, retrouver les fins de termes accolés, imaginer la terminaison d’une phrase qui se dilue dans la feuillure. Non, non ! Ceci n’est pas une enquête de police scientifique, mais juste une aventure que chacun peut mener.
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Il en ressort de belles découvertes : car ici, tout est trésor ! Déchiffrer un document, c’est en trouver le code secret. Parfois, au détour d’une feuille pliée apparaît un dessin, probablement très important car esquissé à grands traits pour mémoire : où, quelle échelle, quelle orientation sont des questions qui relèvent de notre pensée orthonormée.
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Le terrier de Nadège a livré une partie des possessions de La Commanderie en 1780, ses taxes et impôts, les noms de ses domaines, ses prieurés. Quelques querelles de familles s’esquissent sous la trame nette du relevé des terres ; la succession des témoins signataires ouvre les portes d’une vie quotidienne….
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La journée fut épuisante de concentration, les yeux écarquillés sur des pattes de mouches en espérant saisir des brides d’histoire. La liasse n’est pas finie, le terrier n’est pas tout lu que déjà les parchemins en latin troués, raccommodés commençaient à nous parler d’une autre histoire, celle d’avant le papier….
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Aujourd'hui, le tout est sagement rangé dans des cartons, attendant notre prochaine visite…. Les noms des lieux-dits nous ont marqués : nos regards sont désormais fixés sur le moindre panneau susceptible de donner corps et vie, à nos découvertes de cette journée !
Kath es papillonnage de l'Histoire