Explorations à La Commanderie : le retour.
Bien le bonjour, chers amis, visiteurs et hôtes ! Après moult activités physiques et récréatives, à La Commanderie, le temps de la réflexion a de nouveau sonné. Qui a dit que les vacances scolaires étaient synonymes de repos ? Qui ?? Hum…, des noms, je veux des noms !! Figurez-vous qu’au milieu de ces quelques jours de détente passée à La Commanderie, la famille Huguet m’a de nouveau sollicitée pour reprendre avec eux les investigations sur ladite Commanderie (voir l'article "Premières explorarations : Petites histoires et vieilles archives, une immersion aux Archives Départementales de Poitiers"). Je me suis donc trouvée, au petit matin, dans une voiture en partance pour les archives départementales de Blois (et maintenant c'est votre tour). La folle aventure reprenait. Nous y voilà.
Avec un flegme très « pro », je feuilletais d’un doigt léger, les documents déjà engrangés, prête à répondre à la question qui me tomberait dessus dès l’entrée dans la salle de lecture : « Bon, alors on cherche quoi ? », question qui contient le fameux adage des chercheurs « Par quoi commence-t-on ? ». Remarquez bien que Nadège était fin prête, et qu’Élisabeth s’était déjà engouffrée à l’intérieur… J’avais intérêt d’être à la hauteur : pas question cette fois de débuter, comme à Poitiers, avec une liasse en latin fort peu lisible ! Encore que….
Poitiers | Blois |
Nous avons donc commencé par dépouiller les inventaires qui intéressaient notre sujet : un travail de fourmis qui consiste à sortir, explorer en long, en large et en travers tous les inventaires des archives, puis à répertorier les références souhaitées, avant même d’entrée dans le vif des liasses. L’objectif était de ne rien laisser passer des séries H, B, A, C, F, G, Q, P, L, des dépôts, des D-E et de vérifier les informations contenues dans les publications à notre disposition. Un léger tournis vous guette, non ? Et bien nous : oui !
Que de surprises ! Dans notre escarcelle, quelques dessins de peintures murales … Et non pas de « fresque » : une fresque c’est une technique, pas un générique ! Je m’explique : c’est comme on si qualifiait tous les tableaux sur cadre d’« aquarelles » : c’est un peu réducteur non ?
Le top de la journée : de belles iconographies révélatrices de l’organisation des bâtiments au début du XIXe siècle ! Nous y reviendrons dans la suite de nos aventures… Non, non, je n’en dirais pas plus pour le moment !
Côtés grands personnages : les documents originaux nous permettent, dés l’heure, d’affiner la chronologie des commandeurs, voire de modifier leurs temps de présence in situ… par exemple : un commandeur "calé" dans la chronologie en 1778, signe un document pour la Commanderie en tant que chevalier de l’Ordre et commandeur d’Artins….en 1772 ! Et oui, une première pirouette jubilatoire avec « YES ! » retenu… hum, hum,… un peu de sérieux voyons nous sommes aux archives ! Tout n’est donc pas découvert !!!
Nous avons ensuite suivi la piste tracée par différents auteurs du Loir-et-Cher, grâce à leurs références d’archives. Malheureusement, en deux temps trois mouvements ; nous étions arrivées dans des impasses ! Dans un cas, la modification d’un contrat de mariage suite à une succession ne s’apparentait aucunement à La Commanderie ; dans l’autre, une grandiloquente remontrance visait un citoyen laboureur indélicat, pour sa charrette « de chandeliers, et autres objets d’église » prélevée mais non déclarée … mais pas à Artins ! Coquille dans le texte paru, erreur de l’auteur reprise sans vérification par les suivants : la question demeure ? Comme quoi, il est toujours important de vérifier ses sources !
Notons aussi que, dans l’ombre des grands noms, des générations de familles artinoises se dessinent autour des activités de La Commanderie dés le XVIIe siècle. Une intéressante prosopographie (science qui étudie la filiation et la carrière des personnes) à faire quand nous aurons le temps c'est-à-dire dans 80 ans peut-être !
Extrait d'inventaire |
Coté activités de La Commanderie : Que d’histoires autour des moulins d’Artins, et ceci dés le XVIe siècle ! Même si certaines minutes notariales restent peu explicites, il se dégage une odeur de contestation récurrente entre les puissants du lieu : les seigneurs de la Roche Turpin (seigneurie proche voisine de La Commanderie) et de La Flotte (au château de la Flotte à Couture/Loir) et les Commandeurs qui, en tant qu’importants propriétaires fonciers et receveurs d’un tableau censif imposant (cens =impôt), sont des personnages de premier plan dans le déroulé de l’histoire locale.
La preuve ? Mais pas de soucis, chers amis, un document du XVIIIe siècle, antérieur à la Révolution Française, stipule clairement le « moulin de La Commanderie sur la rivière du Loir, sis en paroisse d’Artins » (notez au passage ma grande gentillesse : je vous le narre en français contemporain !) comme étant un « moulin banal ». Le moulin , banal était une propriété seigneuriale et un lieu d’utilisation obligatoire pour les habitants (idem pour le four ou le pressoir banal); cette utilisation était évidemment taxée d’un impôt. Bref, si « l’eau a coulé sous les ponts », elle s’est avant beaucoup agitée sous les moulins des différents seigneurs et commandeurs - proximité géographique oblige ? - entre les réparations, les ventes des droits de fonctionnement (et non de propriété), les madriers de charpente coupés inopinément dans les bois du seigneur voisin à des fins de réparations peu couteuses ; les moulins ont fait couler beaucoup d’encre !
Le plus étonnant dans cette remontée historique reste la discrétion autour de la vente de La Commanderie, à La Révolution Française, au titre des Biens Nationaux après 1790. En partant des dates données par des auteurs du XIXe siècle et reprises au XXe siècle, nous avons avalé des pages datées de Messidor, Pluviôse, Nivôse, etc., de l’an II à l’an IV. Bilan : des yeux qui tournent tout seul dans leur orbite suite aux énumérations de réquisitions de souliers, de marchandages de sabres et de chevaux, de chute des cloches d’églises, de saisies de bâtiments religieux « pour nécessité salpêtre pour la République Une et Indivisible ». Mais point de Commanderie hospitalière de Saint-Jean de Jérusalem, entre temps devenu Ordre de Malte …… que nenni ! Et…. Thermidor vous-même ! Le mystère résiste, nos cerveaux moins mais nous reviendrons à la charge !
Le plus beau dans cet effleurement de l’histoire révolutionnaire réside dans un grand sens de la récupération, du recyclage des matériaux. Ah si !!! Les registres de consignations étaient recouverts, en 1ère et 4ème de couvertures, de splendides parchemins ornés de portées musicales et d’annotations, le tout souligné par le phrasé adéquat d’un chant religieux que je n’ai pas réussi à identifier. Il reste que la taille des graphismes et le soin apporté à la calligraphie indiqueraient un antiphonaire de grande taille (livre liturgique contenant l’ensemble des chants exécutés par le chœur à l’office ou à la messe).
Ces registres épais, étaient fermés par des liens de cuir souples : le modèle médiéval était encore très présent… La Révolution Française dans les campagnes, entre destruction et conservation : tout un programme …mais je me laisse emporter !
Certains diront que nous sommes bien bavards à La Commanderie ! Ceci n’est cependant que le début d’une nouvelle agitation neuronale, la suite est infernale : confronter les découvertes manuscrites ET la configuration actuelle de La Commanderie ! En quelque sorte, une archéologie du bâti : j’en ai perdu mon latin…de cuisine ! Mais j’ai des armes…secrètes …. et je vais avoir besoin de vous, chers amis… A bientôt donc !
Kath es papillonage de l'histoire