Les petites histoires de La Commanderie : une fenêtre ouverte sur l’histoire - Partie 2
Comme promis, nous voilà de retour, dame Kath es papillonnage de l’Histoire et moi-même pour vous narrer la suite des aventures de l’ami Théo et de ses pérégrinations « commanderesques ».
N.B : les mots qui apparaissent en gras dans le texte sont expliqués dans le "petit lexique pour les curieux", ci-dessous.
La Question : fait référence aux Tribunaux de l'Inquisition mis en place par le Pape pour réprimer les hérétiques, surtout à partir du XIII e s. L'Inquisiteur était chargé de trouver et d'i...
« Les aventures de Théo à La Commanderie : un lieu qui s’affirme ! »
Chapitre I
An de grâce 1281…
« Morbleu ! Quelle journée damnée! C’est un temps à jeter tous les saints dehors ! », s’exclama Théo, de la boue jusqu’en haut des chausses.
« Théodulf, de grâce ! Maitrisez votre humeur !! De tels propos pourraient vous valoir la Question. », répliqua une voix aigrelette aux intonations doucereuses.
Théo saisit la menace un instant trop tard...
« Que la peste t’enfume ! », marmonna-t-il à l’endroit du Trésorier.
« Théodulf, vous serez en prières pour les prochains dîners et vous viendrez battre coulpes pour la huitaine à venir ».
La sanction tomba comme un couperet sur le pauvre Théodulf : pas de repas après la journée complie, et des pêchés à avouer tous les matins lors de la réunion, dans la salle du Chapitre de La Commanderie hospitalière de Saint-Jehan de Jérusalem. Joli programme !
Théo rentre bien vite la tête dans les épaules ; son mantel de laine déjà abondamment chargé de pluie, s’alourdit brusquement. En voyant se profiler la porterie de « sa » Commanderie, Théo sait que l’accueil du Commandeur ne sera point agréable. En effet, ce dernier est ces derniers temps de fort mauvaise humeur, conséquence d’une querelle… à laquelle Théo ne comprend rien.
En effet, depuis quelques temps, la seigneurie de La Roche-Turpin, juste à côté, rêve de puissance et son seigneur revendique un droit de chasse sur certaines terres de La Commanderie car il estime que sa famille est à l’origine de la donation à l’Ordre ! Ceci n’est pas du tout du goût du Commandeur messire Thomas du Bac, qui vient tout juste de prendre ses fonctions à La Commanderie hospitalière de Saint-Jean d’Artins. Le Commandeur affirme, lui, que La Commanderie a été fondée grâce aux dons du riche seigneur Foulques le Jeune, suzerain du comte de Vendôme, comme témoignage de sa piété. L’affaire n’est pas simple, comme toujours, quand il est question de droits et d’impôts à prélever !!!
Théo sait bien ce qu’il en est de l’histoire des Grands de ce monde : ordre seigneurial et propriétaires fonciers puisent leur force dans leurs liens vassaliques. Les hauts faits sont bien souvent dictés par l’ambition, le besoin de faire justice, le souci de pérennité ou le désir de grandeur. Un moyen d’afficher leur puissance ! Alors, quand l’affaire touche un « illustre » suzerain du passé, un seigneur local dont la famille tient dans sa main la majorité des feux des villages alentours et un Commandeur qui veille sur les intérêts de l’Ordre de Saint-Jehan tel un aigle… L’humeur n’est pas à la badinerie.
Un frisson de crainte parcourt l’échine de Théo alors qu’il s’approche de La Commanderie, et si cette fois il était allé trop loin dans sa bravade ?! « Théo, d’Artins ! », crie-t-il néanmoins vaillamment à l’intention du nouveau portier, en arrivant devant l’imposante porterie, prudemment close, de La Commanderie.
Une nouvelle journée s’étire et touche à sa fin. Il a fallu, encore et encore, parcourir pâtures, bosquets, fermes et fossés pour pouvoir établir un Terrier le plus complet possible. Quand le Commandeur passera la main : il devra rendre des comptes et seul un Terrier, réalisé en bonne et due forme, lui permettra de présenter les comptes, avoirs, gens et revenus de La Commanderie. Mais quel travail, mes amis !! Quel labeur de mesurer en lieue, en arpent, de lister tous les noms possibles pour délimiter la moindre parcelle par le septentrion, par l’orient, par le couchant et par le méridional, noter les noms des détenteurs de la tenure, la production de chaque parcelle. C’est à y perdre son grec et… son latin. Foi de Théo !
Chapitre II
Toutefois, vous l’aurez compris, notre Théo est au-delà de tout cela ; les hommes passent et trépassent, laissant à Théo le soin de témoigner de leurs évolutions diverses. En cette fin de XIVes., les tensions se multiplient entre le roi de France et le roi d’Angleterre. Chemin faisant, Théo devenu Théobald œuvre toujours dans « sa » Commanderie. Le voici, se hâtant au sortir de la chapelle, pour effectuer quelques missions, le cœur léger… Le printemps de l’an 1362 pointe ses verdures sur les bords des chemins. Théo, parchemins sous le bras, sort de la cour de La Commanderie et pique des deux vers le Loir. Il aime passer du temps autour de l’église du village. Des peintures murales sont en cours … C’est beau ! Presque autant que celles de la Chapelle de La Commanderie …
Cette année, le Commandeur a besoin de fonds supplémentaires ; il est donc prêt à débourser quelques sous pour accroître le Terrier de La Commanderie. Il vient ainsi de conclure une belle affaire : l’acquisition des cinq quatrièmes d’un pré gras aux Écluses, tenant au chemin des moulins et à la Chaussée. Comprenez donc : un pré de bonnes terres situé le long du Loir et du petit chemin qui mène au … grand chemin. Ce n’est pas si compliqué tout de même !! Théo doit inscrire cette nouvelle pâture sur le Terrier. Le temps passant, il ajoute aussi l’achat du petit hameau de la Porcherie en 1377, puis les 9 boisselées de terres labourables sous le grand cimetière de Couture en 1379. Ah ça oui, La Commanderie s’agrandit !!
A cette occasion, Théo se demande ce que devient le petit cimetière de l’église de Couture, puisqu’un « grand » est précisé … Il est vrai que les conditions de vie se sont améliorées : le nombre de feux augmente, la terre nourricière et l’outillage plus technique permettent de nourrir toutes les bouches. Oh, pas de fantaisie, la vie est très dure ! Chacun cherche avant tout protection et travail.
L’année 1388 (ou 1389, nous ne savons pas encore très bien) apporte son lot de malheurs … Le roi Charles VI donne des lettres de protections au Commandeur, suite aux « dégâts » subis par La Commanderie ; dégâts dont la nature reste encore inconnue. S’agit-il des effets d’une météorologie peu clémente ou bien de dégâts collatéraux dus à la Guerre de Cent ans ? Ou peut-être encore le passage de sanglantes jacqueries qui pouvait provoquer des réactions de défense tout aussi violentes.
Ainsi s'achèvent les aventures de Théo à La Commanderie, au XIVe siècle. C'est assez pour aujourd'hui ! Il vous faudra à présent faire preuve d'un peu de patience avant de connaître la suite. Rendez-vous très bientôt au XVe siècle !
Nous vous souhaitons à tous un très bel été !